Le débat progresse et est subtilement passé des raisons pour lesquelles il faut en sortir aux modalités de la sortie et à ses conséquences. Les opposants au retour aux monnaies nationales font feu de tout bois sur le sujet, évoquant souvent le spectre de l’Argentine. Retour sur le cas de ce pays.
Rappel historique
Le personnel politique, qui ne souhaite pas casser la parité avec le dollar, intégrée dans tous les contrats, et notamment pour la dette, décide de suivre les recommandations du FMI et tente d’organiser une dévaluation interne, à savoir une déflation. Le PIB chute de 10% de 1998 à 2001, le chômage et la pauvreté augmentent fortement. Les importations brésiliennes, moins chères envahissent le marché. Les capitaux finissent par fuir et le gouvernement recourt à la planche à billets.
Le 1er décembre 2001, le gouvernement restreint fortement les retraits des banques et interdit l’envoi de fonds à l’étranger. Cela déclenche une grave crise qui prendra fin début 2002, avec une dévaluation du peso de 72%. L’Argentine fait défaut et le PIB recule de 10% cette année. Mais à partir de 2003, le pays connaît une très forte croissance (plus de 8% par an pendant trois ans) qui lui permet de faire reculer fortement le chômage et la pauvreté, tout en faisant aussi reprendre l’inflation.
Leçons d’outre-Atlantique
Choisir le cas Argentin est assez habile de la part des opposants à une fin de l’euro. En effet, la très grave crise qu’a traversée le pays peut entretenir la peur d’un retour aux monnaies nationales. Mais on peut y répondre de plusieurs manières. Tout d’abord, le cas est très extrême puisque le peso a perdu plus de deux tiers de sa valeur et a fait défaut. Ce ne serait pas le cas de la France, qui ne dévaluerait pas par rapport à l’euro (le franc gagnant sur la lire et la peseta ce qu’il perdrait sur le mark).
Ensuite, comment ne pas voir des similitudes dans la situation de l’Argentine de 1999 à 2001 avec celle des pays périphériques de l’Europe aujourd’hui ? Manque de compétitivité consécutif à une union monétaire ne pouvant être soldé par une dévaluation, recul du PIB, hausse du chômage, plan de rigueur imposé par le FMI. Les parallèles ne manquent pas et on peut attribuer à cette union monétaire contre-nature la récession Argentine, contrastant avec les bons résultats d’un Brésil qui avait dévalué.
Le cas Argentin montre le danger d’une union monétaire rigide. En effet, il faut souligner que ce n’est pas la dévaluation qui a causé la crise, qui remontait en fait à 1999, mais que l’abandon du lien avec le dollar en a été la conséquence et a permis à l’économie de repartir (en accentuant la crise dans un premier temps, il est vrai). Et c’est bien la dévaluation qui a permis aux exportations alimentaires et industrielles de quasiment doubler de 2002 à 2006 et à l’économie de repartir fortement.
Bien sûr, certains agitent le cas Argentin pour souligner les désordres potentiels d’une sortie de l’euro. Mais ils oublient de préciser que le pays était en crise bien avant la fin du lien peso-dollar et que c’est justement ce lien (comparable à celui d’une monnaie unique) qui avait provoqué l’asphyxie de l’économie Argentine. C’est justement parce que l’Argentine est restée trop longtemps dans cette union monétaire que la crise a été si violente. Et c’est sa sortie qui lui a permis de s’en sortir.
Le cas Argentin n’a rien à voir avec la situation de la France car nous ne dévaluerions pas par rapport à l’euro, comme le reconnaissent même certains partisans de la monnaie unique. En revanche, on peut y voir une triste répétition de ce qui se passe aujourd’hui en Grèce, j’y reviendrai demain.
Laurent Pinsolle
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